« Un printemps à Tchernobyl », Emmanuel Lepage

Un printemps à Tchernobyl, Emmanuel Lepage

Editions : Futuropolis ,  168 pages.
Parution : 2012
Titre : « Un printemps à Tchernobyl« 
Auteur : Emmanuel Lepage
Genre : BD – Témoignage historique

Grand prix de l’affiche 2012 au festival festival Quai des Bulles à St Malo.

Quatrième de couverture :

Le 26 Avril 1986, le plus grave accident nucléaire feu XXe siècle se produit à Tchernobyl, en Ukraine.
Vingt deux ans plus tard, jour pour jour, Emmanuel Lepage se rend sur les lieux de la catastrophe.
 » Dans ce métier, seul à gratter sur ma planche, j’ai souvent l’impression de voir
le monde à travers une vitre. D’être  » à côté « .
 » Cette fois-ci, le monde, je le sentirai dans ma peau !
Bien sûr, c’était risqué…
Mais tellement excitant !
J’allais découvrir des terres interdites où rôde la mort. « 

Mon avis :

Cette BD est un authentique et très pudique témoignage sur la catastrophe nucléaire engendrée par la fonte d’un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl. A l’aide de fusains, aquarelles, crayons, Emmanuel Lepage élabore un carnet de voyage d’un genre un peu particulier : il retrace sa découverte des terres interdites de la région de Tchernobyl.

Après un bref retour sur l’histoire et sur celle du trajet du nuage nucléaire de Tchernobyl et du déni français, Emmanuel Lepage accompagné de quelques artistes français partent avec le projet d’installer une résidence d’artistes à Tchernobyl car l’artiste est à même de témoigner, quelques uns d’ailleurs sont impliqués dans la lutte contre le nucléaire.
Triste arrivée à Tchernobyl, ville fantôme grise,  qui apparaît sinistre sous la pluie, ses bâtiments déserts et ses paysages désolés. Emmanuel Lepage nous montre comment sur place la vie s’organise et  retrace ses rencontres avec la population, des gens simples et frappés par la contamination et nous montre que l’intégration se fait spontanément.
Alors, sur place, commence un travail de mémoire, un travail constamment ponctué par les crépitements du dosimètre mesurant la radioactivité, un dessin qu’il faut accomplir très rapidement pour ne rien oublier car le temps de la visite est compté. Les coups de crayons s’accélèrent, alors que l’ambiance devient de plus en plus angoissante. Les premières impressions retracent des paysages  sombres  et abandonnés, les traits de crayons sont tristes.
Mais la palette aux couleurs sombres à sépia tourne peu à peu au vert, à ce vert qui représente la vie végétale qui renait en ce printemps. Plus le temps avance, et plus le groupe découvre une nature verte qui ne parait pas contaminée. C’est un signe qui leur permet d’oublier l’angoisse de la contamination. La nature est resplendissante malgré l’horreur de la catastrophe toujours présente dans les esprits.  Emmanuel Lepage  y perd le fil du temps et l’intensité de l’horreur qu’il était venu figer sur son dessin. Viennent ensuite de magnifiques planches d’un printemps comme tous les printemps du monde, presque bucolique en plein centre de la zone interdite. Ce sont des planches irréalistes et de toute beauté qu’Emmanuel Lepage nous offre, parfois en pleine page.

Les quelques semaines vécues à Tchernobyl par cette équipe d’artistes permet de poser une réflexion sur le rôle de l’artiste peintre dans ce type de catastrophe: comment reproduire l’invisible ? comment transmettre la sensation de danger imminent dans tout ce qui nous entoure alors même que le cycle de renaissance de la nature a repris ses droits sur la mort. La vraie tragédie qui rode, c’est la quiétude car il ne faut jamais se laisser distraire ni tromper par les apparences de fausse quiétude de cette nature.
L’ouvrage dans son ensemble offre un sentiment de pèlerinage presque nostalgique de terres perdues.

Je tiens à partager avec vous  cette citation qui exprime pleinement le ressenti de l’auteur sur son expérience :
« Aurais-je pu imaginer vivre de tels moments à Tchernobyl, au coeur du désastre dont j’étais venu dessiner l’horreur ? J’ai la sensation de vivre pleinement, intensément ici et maintenant. »

Conclusion :

C’est très certainement l’une des BD les plus remarquables que j’ai pu lire à ce jour. Mon coup de coeur de cet été 2014 que je vous encourage à découvrir également. Incroyable talent du dessinateur à restituer les choses qui l’entourent ainsi que la menace invisible qui plane en permanence sur la zone interdite. J’ai apprécié la note finale de la BD sur un joli message d’espoir, en guise de conclusion, avec ces enfants qui jouent et rient comme tous les autres.

13 réflexions au sujet de « « Un printemps à Tchernobyl », Emmanuel Lepage »

    • Si tu en as l’occasion, il faut la saisir, l’ouvrage est absolument magnifique tant au niveau des dessins qu’au niveau des messages passés. J’en suis encore toute retournée.

  1. C’est la première fois que je croise une œuvre nous parlant de Tchernobyl et je trouve cela intéressant d’avoir eu cette démarche pour ensuite la partager en images.

  2. J’ai lu et apprécié aussi cette BD-reportage, où l’on voit notamment, tu le soulignes, à quel point les apparences peuvent être trompeuses, quand la radioactivité demeure virulente, cachée dans les plis d’un beau paysage printanier.

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